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La France, premier pays mal-aimé en Afrique. ‘’Elle a misé sur les mauvais chevaux !’’

Par C.B.-- 01-Août-2023 0

La prise de conscience contre le néocolonialisme français en Afrique ne cesse de gagner du terrain. Pour de nombreux spécialistes, la France est le premier pays malaimé en Afrique. C’est assurément un coup de massue.

Certains français parlent de ‘’désamour’’ et regrettent sur ce qu’étaient son rôle et sa place. Mais la réalité, il  n’a jamais eu d’amour entre la France et l’Afrique. La France a longtemps vécu de ses prébendes coloniales. Ces temps sont révolus mais le logiciel français n’a pas changé, et l’activité d’une ‘’secte’’ de néoconservateurs qui aurait mis la main sur la politique étrangère, est pour beaucoup dans cette situation de mal-aimé. Dans des décisions de pure politique intérieure ou des déclarations à l’emporte-pièce islamophobes, immigration,… ont un impact négatif sur le rayonnement extérieur de la France qui sa diplomatie a aussi perdu de son relief.

Une crise sans précédent dans les relations entre la France et ses vieilles colonies qui aujourd’hui se révoltent contre son attitude, sa politique,  et réclament en plus de son départ de leur territoire, de ne plus s’interférer dans leurs choix politique, économique, culturel, social,…

PIA a donné la parole à des inconnus en prise directe avec le continent africain.

Mohamed, universitaire et spécialiste en géopolitique : Il n’y a en fait que deux pays qui s’interrogent en permanence sur leur place dans le monde: la France et les États-Unis. Il existe un narcissisme français, propice aux vastes introspections. Je pense d’ailleurs que quelques pays, agacés par la posture diplomatique de la France, vont commenter cet échec avec délice. D’autant qu’elle ne s’est jamais démarquée de sa position coloniale  et son double jeux : soutiens aux putschistes dans certains pays que d’autres ; s’impliquer militairement, politiquement dans les affaires intérieures des pays,…

Si la popularité de Macron n’est pas bonne en France et guère meilleure en Europe, elle est encore pire dans la plupart des pays d’Afrique et du monde, à cause de sa politique intérieure (immigration et islamophobie).

Souad, avocate au barreau d’Alger : La question qui va se poser est celle de l’affirmation de la capacité de rayonnement de la France. En 2003 et 2004, un courant très fort soutenait la France à cause de l’opposition de la guerre d’Irak. Aujourd’hui, la France a moins la main qu’alors. Nous ne sommes pas contre les français mais contre la politique française envers les pays Africains et les musulmans.

De son coté, Akli, un jeune étudiant en science po, n’a pas hésité à qualifié la France  d’hypocrite. « C’est elle qui a crée cette situation. Dès le début, elle a misé sur des mauvais chevaux. Ils sont  perdants car ils ne représentent qu’eux-mêmes.  Ils sont complètement détachés de la société locale.

La France a toujours soutenu les gouvernements des pays Africains au dépend des peuples. Elle ne s’intéresse qu’à ses intérêts économiques et oublie complètement les valeurs humaines, sociales, culturelles,…

A la fin de la guerre froide en 1990, la France ne s’intéressait qu’à son avenir au sein de l’Europe et a continué à se croire chez elle en Afrique. Du moins dans ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest et centrale. Dans les années 2000, la montée en puissance de la Chine a laissé la France toujours aussi arrogante. Dans les milieux d’affaires, on pouvait encore entendre: «Pas de panique, les Chinois auront besoin de nous pour bien se comprendre avec nos amis africains.»

Ces dernières années, la Russie a fait son entrée en force en Afrique et a réussi a délocaliser la France dans plusieurs pays. Comment une simple société de protection a réussi à mettre dehors la France ?!

Slimane, un professeur de sociologie à l’université de Constantine, lui aussi ne mâche pas ses mots et rappelle le mépris que des gouverneurs français avaient pour les Africains.

En 2011, le «gendarme de l’Afrique» à l’initiative de la France, présidée par Nicolas Sarkozy, deux opérations ont été menées cette année-là, tambour battant: d’abord l’intervention en Libye et la mort du colonel Kadhafi, puis l’éviction en Côte d’Ivoire du président Laurent Gbagbo de sa résidence bunker par la force française Licorne. Elles ont toutes deux laissé des traces dans les consciences politiques africaines.

C’est encore dans l’euphorie de l’opération Serval contre des djihadistes, menaçant en 2013 le centre du Mali, que la France a créé l’opération Barkhane. Une force très conventionnelle, à l’ancienne, pas appréciée par plusieurs tribus et parties de la région et des voisins mais applaudie par des partenaires et alliés occidentaux encore sous le charme de ‘’ Françafrique’’.

En fait, une belle hypocrisie: les diplomates de ces pays n’hésitaient pas, dans le même temps, à dire à voix basse que «pendant que la France assure la sécurité, nous, on fait le business».

Khadidja, économiste, analyse les ratés de la politique française en Afrique : la France a géré à sa guise ses anciennes colonies et leurs richesses. Le pétrole du golfe de Guinée (Gabon, Congo, Cameroun) ou l’uranium du Niger et du Gabon étaient préemptés au bénéfice de la France.

Le franc CFA des ‘’colonies françaises d’Afrique’’ était devenu le franc de la ‘’Communauté financière africaine’’, toujours contrôlé par le Trésor français, alors que les entreprises françaises bénéficiaient d’une rente politique, sans concurrence ! Mais aujourd’hui, la France continue à faire le gendarme de l’Afrique en oubliant  que la période exceptionnelle de son monopole dans ses anciennes colonies appartient bel et bien au passé. La France a enrichi des dirigeants Africains en laissant un pourcentage de ses rentes. Mais, les populations sont restées pauvres, méprisées, exploitées, marginalisées,…

Sa part de marché relative sur le continent est passée de 15 à 7,5% entre 2000 et 2020 contre 27% pour la Chine. Les autres pays émergents, tels l’Inde et la Turquie, taillent des croupières à la France dans son ancien pré carré. Parmi ses propres partenaires européens, l’Allemagne a détrôné la France en 2018 comme premier fournisseur européen de l’Afrique, sans parler de l’Espagne, de l’Italie et dernièrement la Russie.

Hakima, professeure d’histoire, insiste sur la politique française qui ne veut pas laisser les Africains prendre leur destin en main. Les alliances avec les pouvoirs locaux ont aussi connu leur lot de pesanteurs paternalistes, voire de connivences à l’ancienne. L’amitié de Nicolas Sarkozy pour le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara est un secret pour personne. L’ancien président français continue de se rendre fréquemment à Abidjan pour le groupe Accor. François Hollande  souvent en contact avec ses anciens amis de l’Internationale socialiste, tels que les présidents Alpha Condé de Guinée, Mahamadou Issoufou du Niger et Ibrahim Boubacar Keïta du Mali. De son coté, Emmanuel Macron a avalisé le troisième mandat d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Sans parler de la succession dynastique, dans l’urgence, de Mahamat Idriss Déby au Tchad après le décès de son père au combat.

Ce qui a conduit la France à encourager ces dernières années des scrutins électoraux dans plusieurs pays Africains, ou ‘’légitimer’’  des gouvernements pour cautionner : la présence française militairement, économiquement ou politiquement. La France n’a jamais accepté ou favorisé les transitions démocratiques dans ces pays Africains.

Slimane, un jeune étudiant en droit : Au cours des premières décennies qui ont suivi l’indépendance, la France a entretenu un réseau dense de relations personnelles avec les dirigeants et les élites africains (surnommé “françafrique” ) qui a trop souvent glissé vers une protection mutuelle des intérêts particuliers, avec peu de considération pour les droits de l’homme ou la transparence. La France  était de connivence avec des alliés dictatoriaux, et ses relations étaient particulièrement étroites et indiscutables.

En 2017, Macron a invité des personnalités de la société civile, de la jeunesse et de la culture au sommet France-Afrique à Montpellier, plutôt que la flopée habituelle de présidents. Mais, il a bloqué les visas, même familiales, pour les jeunes de ces pays.

C’est la France qui a coupé les liens avec les peuples et leurs vrais représentants. Elle a choisi des personnes à qui elle a donné la double nationalité et soutenu pour occuper des postes importants afin de faire du lobbying mais ses paris n’ont pas profité à Paris !

Farida, ancienne enseignante à la retraite  pense que cette réaction contre la France signifie que les jeunes ont le sentiment qu’il y a une collusion de fait entre les autorités françaises et les autorités qui gèrent leurs pays. « Je pense que ce rejet de la politique française vient essentiellement de là. On a le sentiment que ceux qui sont au pouvoir dans les différents pays en Afrique le sont par la volonté de la France. Et ils sont maintenus au pouvoir par le fait de la puissance française. Et qu’ils n’ont pas de légitimité populaire en dehors de cela », dit-elle. « Je pense qu’il y a un rejet de la politique française actuelle qui a consisté, depuis les indépendances à aujourd’hui, à soutenir les élites qui nous gouvernent sans résultats depuis plusieurs décennies. Les anciennes colonies des autres puissances européennes sont plus développées économiquement et avancées en termes démocratiques. Pour eux, l’appui présumé de la France à des dictatures explique le sous-développement plus marqué de l’Afrique francophone.

En résumé, les militants africains disent qu’il n’y a pas de sentiment antifrançais en Afrique mais un sentiment patriotique et pro-africain. « Nous n’avons rien contre le citoyen lambda français. Nous ne sommes pas xénophobes. Nous menons un combat de souveraineté pour nos peuples et nos pays. Notre objectif est de déchaîner l’Afrique pour qu’elle soit en mesure de négocier en toute liberté ses contrats avec n’importe quel pays du monde, de choisir ses dirigeants sans l’ingérence française, de discuter d’égal à égal,… »  expliquent de nombreux activistes sur le web.

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